fin

Publié le par Anna-Marguerite

Il est parti comme il a vécu, seul.

Dans le sang et la solitude, agonisant.

Il a trouvé la force de se réfugier une dernière fois auprès de sa mère;

Les vaches attendront, il ne reviendra pas.

J'avais écrit sur lui, sur sa vie, l'an dernier, sur ce même blog,

mais il n'y aura plus rien a écrire.

Il a détruit son corps, à petit feu.

Cette méthode là, elle était plus longue, plus sinueuse,mais tout aussi efficace.

Il a souffert, mais il avait l'habitude.

Les conseilleurs sont rarement les payeurs.

Les normes, il les a respecté pour continué à travailler.

Il s'est endetté pour ça. Mais la filière lait allait mieux à ce moment là,

alors il avait l'espoir enfin d'y arriver.

Puis il y a eu la crise, la chute des prix  du lait, et les emprunts à remboursser quand même...

Il ne savait rien faire d'autre, il s'est accroché.

Quand d'autres se pendent, lui, il s'est imbibé, peu à peu.

Depuis quelques temps, il était jaune, gonflé, il faisait peine à voir.

Et puis le soir du marché, le seul jour où il se permettait de sortir,

mais aussi le pire, celui ou il revenait dès le midi, marchant de travers,

ce soir là, il ne se sentait pas bien.

Son corps l'a laissé tombé.

C'est un lent suicide, il savait, et il s'est laissé coulé.

Sa mère lui reprochait de n'avoir pas su trouver une femme qui l'aide à la ferme.

Elle était là, l'aidant comme elle pouvait.

Une femme au visage si beau, mais au regard dur.

Pourtant, le jour de l'enterrement, je l'ai vu en larmes, je l'ai vu éffrondrée, elle toujours si forte.

Elle l'aimait son petit.

Il a vécu près d'elle toute sa vie, n'a rien connu d'autre que le travail.

Jamais de vacances, que du labeur.

Les bêtes, les terres pour les nourrir,

c'est tout ce qu'il avait toujours connu.

Quand son père est mort, il y a trois ans, il s'est retrouvé seul pour tout faire,

tout assumer.

Sa pauvre mère au coeur malade, l'a aidé comme elle pouvait.

 

Quand je l'ai connu, c'était un beau jeune homme, fier et costaud.

Les filles le reluquaient, même les mariées.

Mais il n'a pas su regarder où il fallait.

Et puis il y avait la mère, et elle n'était pas prête de toute façon, à voir arriver une autre femme.

Des années plus tard, elle l'a regretté. Mais trop tard. Il avait commencé sa descente.

Il était brute et sauvage, comme ses bêtes.

Il était têtu et orgueilleux.

Sa beauté avait disparue peu à peu,

et les soucis de santé avaient commencé à apparaitre.

Le stress et la solitude avaient fini par le convaincre, que la solution était ailleurs.

L'année dernière, je l'avais trouvé diminué, et surtout, incapable de discuter vraiment,

alcoolisé dès le matin.

Je ne savais pas comment faire pour le sortir de là.

De toute façon, il n'acceptait pas, ce qu'il était devenu,

et tous les problèmes financiers qu'il supportait, alors qu'on lui avait promis la belle vie. 

Ben oui, une stabulation neuve, aux normes, lui qui vivait déjà dans la misère !

mais qui se soucis de ça hein ?

 

J'ai de la peine. je n'ai pas eu le courage de lui parler, parceque je ne le reconnaissais plus quand  je l'ai vu il y a deux semaines, et j'ai eu peur.

Je n'ai pas pu. Je savais.

 

A son enterrement, il y avait une femme qui chantait... faux...

et je me suis dis "il a eu une vie de merde, et il a un enterrement de merde"...
Au moment de bénir son cercueil, j'ai pleuré, pour lui, en pensant au jeune homme fort et beau d'il y a vingt ans.

J'ai pleuré sur ce qu'il était devenu,

j'ai pleuré sur ses espoirs perdus,

il avait  44 ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans bonjour tristesse

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article