VENTRE
Au fur et à mesure que j'avançais, je sentais en pincement dans mon ventre, comme si au fil du paysage qui défilait, et qui me rapprochait de l'instant où je serai arrivé, mon ventre se rétractait au point de se resserrer jusqu'à ma gorge.
Mes yeux commençaient à me piquer, et les arbres, familiers, me paraissaient hostiles.
Cette nature, de plus en plus sauvage, parce qu'il n'était plus là pour l'entretenir.
J'ai reconnu sa voiture dans la cour, elle n'avait pas bougée depuis qu'il s'était réfugié auprès d'elle, sa mère.
Elle nous a accueillit avec le sourire, elle a plaisanté aussi, un peu. Elle était contente de notre arrivée, je crois.
Son visage était un peu creusé, mais pas tant, ses joues étaient à nouveau roses, ses cheveux presque blancs, lâchés sur ses épaules, elle était toujours aussi belle. De cette beauté sauvage, simple, délicate. Son regard d'acier, cette femme, ce roc, qui tenait bon malgré tout.
Elle est attirante, je ne sais pour quelles raisons, ou bien il y en a trops. Elle est fascinante, et tellement forte.
Je me disais 'mais comment fait-elle ?'. Nous avons discutés, avec l'ombre de son fils un peu partout autour de nous. Il n'est plus là, mais il est partout.
Dans le champs, le foin était quand même fait, la moisson pouvait battre son plein. Les bêtes étaient à leur place.
Tous ces gens qui s'affairaient, en attendant que tout soit réglé.
Les problèmes d'entente, entre les frères et soeur, pour se partager le peu qu'il resterait; ils allaient se déchirer, elle en était sûre. Pas tous, non, mais il suffisait d'un pour que tout bascule.
Je suis repartie, la laissant seule.
Elle a l'habitude.
Chaque jour à sa peine...